Infirmière de pratique avancée: Annina Fröhlich

Vous êtes titulaire d’un master en Soins infirmiers et travaillez comme infirmière de pratique avancée (IPA). Que faut-il entendre par là?

Je suis une infirmière diplômée titulaire d’un master. Dans le cadre de mes études et de la pratique, j’ai acquis des qualifications complémentaires en vue d’effectuer des tâches élargies dans le domaine du suivi des traitements, de l’administration des médicaments, du leadership ou encore de la gestion de projets.

Décrivez-nous concrètement votre activité au quotidien.

Je travaille pour la start-up Advacare. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, et c’est ce qui rend mon travail si palpitant. Actuellement, à l’image d’une Clinical Nurse Specialist (CNS), j’accompagne l’équipe soignante dans le cadre du coaching pratique, je commence le quart du matin avec eux et je les aide dans leurs soins. Je me concentre sur la qualification des collaborateurs et collaboratrices. Dans les situations difficiles, j’assume des tâches partielles, par exemple pour traiter une plaie complexe. L’après-midi, j’anime des discussions de cas, je transmets des informations spécialisées ou je donne des formations continues.

Les autres jours, je travaille comme infirmière praticienne (Nurse Practicioner) et je me prépare aux visites, j’analyse des rapports intermédiaires et je contrôle les thérapies. Je rends également visite aux résident-e-s d’établissements de soins, j’adapte les traitements ou j’organise des examens complémentaires – dans les cas complexes, cela se fait en concertation avec le corps médical.

En outre, il y a des jours où je m’occupe de projets, de développement de concepts ou de l’évolution des structures internes. Étudier la littérature scientifique actuelle fait également partie de mon cahier des charges.

En quoi réside l’importance de ce métier?

Le système de santé est complexe et la collaboration entre différents groupes professionnels est essentielle. Malheureusement, le temps réservé à la coordination fait souvent défaut. Parallèlement, les approches thérapeutiques sont de plus en plus exigeantes et les professionnel-le-s sont tenu-e-s de se former en permanence.

C’est précisément là qu’intervient l’IPA. Elle ou il renforce la collaboration interdisciplinaire, transmet un savoir et favorise le transfert théorie-pratique.

Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontée dans votre activité quotidienne?

L’absence d’ancrage légal du rôle d’IPA constitue un défi majeur. Du fait que nos prestations ne génèrent pas de recettes directes, notre marge de manœuvre reste souvent limitée. De nombreuses entreprises doivent d’abord reconnaitre la valeur ajoutée de l’IPA. Cela rend difficile l’établissement et l’intégration à long terme de cette fonction cruciale dans le système de santé.

Pourquoi avez-vous choisi cette voie professionnelle?

Le master m’a ouvert de nombreuses portes et m’a permis d’exercer une multitude d’activités. Mon rôle d’IPA me permet de travailler à la fois dans le registre clinique et dans le registre académique. Cela me plait.

Selon vous, quelles compétences et qualifications requiert tout particulièrement votre métier?

La flexibilité et la soif de découverte sont primordiales, car le rôle de l’IPA demeure encore un travail de pionnier. Le courage et la capacité à prendre des décisions se révèlent tout aussi importants que l’esprit d’équipe et le sens de la communication. Il faut en outre se montrer capable de préparer des contenus complexes de manière intelligible et de les transmettre sous un angle pratique.

Avez-vous vécu une expérience particulièrement marquante dans votre parcours professionnel jusqu’à présent?

Dans le cadre d’une équipe IPA, je me suis occupée d’une jeune femme à l’hôpital universitaire. La femme avait survécu à un cancer mais avait développé de graves problèmes de cicatrisation en raison de nombreuses interventions abdominales. Le traitement des plaies était extrêmement stressant pour elle et sa famille, et également très complexe à gérer sur le plan professionnel. Ce cas a impliqué de nombreux domaines spécialisés différents, et la communication entre ces domaines nous a donné du fil à retordre.

L’équipe IPA a accompagné cette jeune femme et l’ensemble de l’équipe de traitement pendant des mois, révisant régulièrement le concept de traitement. Lorsque la jeune femme a enfin pu rentrer chez elle et que la situation s’est nettement améliorée, j’ai éprouvé une grande fierté.

Avez-vous parfois envisagé de quitter votre travail et de faire autre chose?

Oui, cette idée m’a traversé l’esprit plusieurs fois. Les défis dans le domaine de la santé sont énormes pour nous tou-te-s. Lorsque je suis devenue mère, la question de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale est venue s’y ajouter. Cependant, j’ai toujours constaté à quel point mon métier reste épanouissant et utile.

La possibilité d’avoir une influence directe sur la vie des gens et de travailler au sein d’une équipe de collègues engagé-e-s et inspirant-e-s m’a toujours motivée à persévérer.

Comment les études à la BFH vous ont-elles préparée à votre activité d’IPA?

Dans le cadre de mes études de master à la BFH, j’ai acquis un bagage précieux sur une multitude de sujets qui me sont utiles au quotidien dans mon activité d’IPA. Mais ce qui m’a particulièrement marquée, ce sont les contacts et le réseau que j’ai établis à cette époque et que j’entretiens encore aujourd’hui.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans cette voie?

Foncez! Il y aura des défis à surmonter, mais les possibilités de faire évoluer une situation et d’évoluer soi-même sont énormes.

Quelles sont vos attentes?

Je souhaite que le rôle de l’IPA soit reconnu par la loi et donc légitimé à long terme. Cela ouvrirait la voie à une règlementation claire et rendrait la profession nettement plus attrayante.